La Nouvelle-Orléans a été le berceau du jazz, le lieu où cette forme d'art s'est épanouie au début du XXe siècle. Clarinettiste profondément ancré dans les débuts du jazz, Dennis Lichtman nous plonge dans cette époque, évoquant ses légendes et leurs instruments...
La clarinette SELMER, aux origines du Jazz New Orleans

Cet article a été écrit par Dennis Lichtman
Berceau du Jazz
La Nouvelle-Orléans a été le berceau du jazz, le lieu où cette incroyable forme d'art s'est épanouie au début du XXe siècle. Benny Goodman, de Chicago, le clarinettiste de jazz et ambassadeur SELMER le plus célèbre, a été fortement influencé par ses prédécesseurs clarinettistes de la Nouvelle-Orléans. Ce sont également mes musiciens préférés, et je suis plus directement influencé par eux que par Goodman lui-même.
J'admire beaucoup la façon dont Goodman a choisi la voie de "l'inspiration" plutôt que celle de "l'imitation" pour développer son propre son et son propre style – j'y reviendrai plus tard. Cette voie nous a conduits tous les deux (à 90 ans d'intervalle) vers les clarinettes SELMER Paris système Boehm.
Mais quels instruments nos héros de la Nouvelle-Orléans jouaient-ils à l'époque ?
Benny Goodman joue Sing Sing Sing en 1937 avec sa clarinette SELMER série K Boehm.
LE SON DU SYSTÈME ALBERT À LA NOUVELLE-ORLÉANS
Je vous invite à consulter cet excellent article sur l'histoire et l'évolution des clarinettes pour plus d'informations sur les systèmes Boehm et Albert.
À La Nouvelle-Orléans, pendant les premières années glorieuses du jazz, la plupart des clarinettistes préféraient les clarinettes système Albert (également appelé « simple ») au système Boehm. Beaucoup de ces musiciens avaient commencé à étudier la clarinette au tout début des années 1900, lorsque le système Albert était la nouvelle tendance, une légère amélioration par rapport à la clarinette Müller.
Par rapport au système Boehm, les musiciens trouvaient que les instruments système Albert avaient un son plus ouvert, plus puissant et plus « ample », qui pouvait s'harmoniser avec les cuivres avec lesquels ils jouaient. Les instruments du système Albert étaient probablement aussi plus largement disponibles à la Nouvelle-Orléans à l'époque.

George Lewis a déclaré : « Quand j'ai commencé à la Nouvelle-Orléans, tous les clarinettistes jouaient des clarinettes système Albert. Tous. Je n'ai jamais vu de Boehm… Je joue une clarinette système Albert, une SELMER française… Si vous écoutez la radio et que vous entendez une clarinette, vous pouvez dire qu'il s'agit d'une système Boehm parce que le son est très léger, vous voyez… Il n'est pas aussi profond que celui de la clarinette système Albert, mais le système Boehm est plus rapide. »
Henri SELMER Paris était une marque connue pour ses clarinettes de haute qualité, aussi bien système Albert que système Boehm, et est devenue au fil du temps une marque très populaire parmi les meilleurs musiciens de La Nouvelle-Orléans.
Cette publicité SELMER de 1932 montre des clarinettes systèmes Boehm et Albert dans différentes configurations de clés, bien que les deux systèmes aient été largement disponibles plusieurs décennies auparavant. Avec l’aimable autorisation de Vintage Clarinet Doctor.
QUELQUES CLARINETTISTES DE LÉGENDE QUI ONT JOUÉ SELMER
Certains des premiers enregistrements emblématiques connus pour avoir été réalisés avec des clarinettes jazz SELMER Paris sont ceux de Johnny Dodds avec le King Oliver's Creole Jazz Band (1923) et les Hot Five et Hot Seven de Louis Armstrong (1925-1927).
Dodds préférait une clarinette SELMER système Albert « améliorée » (similaire à la fresque murale de 15 étages représentant une clarinette sur le côté de l'hôtel Holiday Inn à La Nouvelle-Orléans).
Si son style peut sembler peu raffiné ou technique à l'oreille d'un auditeur moderne, ses innovations et son influence ne peuvent être surestimées. Sa sonorité puissante et incisive, son phrasé imprégné de blues, son sens profond de la propulsion rythmique et sa maîtrise de l'improvisation collective ont été admirés et imités par de nombreux musiciens, dont Goodman.
Dodds a mis à profit son registre grave impressionnant et ses talents de bluesman dans cet enregistrement de Melancholy, enregistré en 1927 avec Louis Armstrong à la trompette.
Louis Armstrong's Hot Five avec Dodds à la clarinette. Avec l'aimable autorisation du Louis Armstrong House Museum.
Deux autres musiciens précurseurs de la Nouvelle-Orléans adeptes du SELMER Improved Albert étaient Jimmie Noone et Barney Bigard. Noone, qui quitta La Nouvelle-Orléans pour Chicago dans sa jeunesse et s'y fit un nom, était célèbre pour sa technique incroyable et son son chaleureux, et fut l'une des principales influences de Goodman. Ses solos endiablés sur I Know That You Know m'ont inspiré d'innombrables heures avec le métronome dans mon studio de répétition — et je ne suis pas le seul !
Jimmie Noone avec sa clarinette SELMER système Albert. Photo : Hogan Jazz Archive, Tulane University.
Barney Bigard est surtout connu pour avoir fait partie du groupe de Duke Ellington (1927-1942) et est immédiatement reconnaissable à son lyrisme et à ses passages fluides, imprévisibles et virtuoses. Les premières photos de Bigard le montrent avec d'autres marques de clarinette, mais il est passé à une SELMER vers 1940 et en a joué une avec les All-Stars de Louis Armstrong après avoir quitté le groupe d'Ellington, comme le montre la vidéo suivante.
Bigard joue une SELMER système Albert "complet" (6 anneaux, clé de sol dièse articulée et 3 trous alignés sur le corps du bas) avec Louis Armstrong dans le film MGM de 1951 'The Strip'.
Omer Simeon était un membre clé du groupe Red Hot Peppers de Jelly Roll Morton, dont les enregistrements de 1926-1927 comptent parmi les plus importants et les plus influents de tous les temps. Simeon était un fervent adepte de SELMER au moins depuis les années 1930, et peut-être même avant.
Il y a quelques années, alors que je jouais la musique de Jelly Roll Morton au Lincoln Center, l'actuel propriétaire de la clarinette SELMER système Albert de Simeon est venu à la balance pour me laisser l'essayer. Malgré plusieurs tampons et clés manquants, les quelques notes qui fonctionnaient ressemblaient étrangement au son légendaire que je connaissais grâce aux enregistrements de Simeon. J'ai eu la chair de poule dès la première note que j'ai jouée ! Voici une vidéo de cet événement, et n'oubliez pas d'écouter la contribution flamboyante de Simeon au classique Red Hot Peppers de 1926, Big Bottom Stomp. Imiter son solo de clarinette a été mon moment préféré du concert au Lincoln Center.
Omer Simeon, montrant clairement la clé de registre circulaire qui était courante sur les clarinettes système Albert. Photo : New Orleans Jazz Museum.
De nombreux autres clarinettistes des débuts de La Nouvelle-Orléans sont connus pour avoir joué SELMER. Beaucoup sont passés à SELMER plus tard dans leur carrière, et quelques-uns les ont utilisées pendant un certain temps avant de passer à d'autres marques (tant pis pour eux !).
George Lewis, icône du « renouveau du jazz traditionnel » dans les années 1940, n'a joué une clarinette SELMER qu'au cours de ses dix dernières années — celle qu'il jouait lui avait été offerte par Jimmie Noone. À la fin de sa carrière, Lewis joue une clarinette SELMER Albert à 4 anneaux sur sa composition préférée, Burgundy Street Blues.
Sidney Bechet a joué pendant un certain temps une clarinette SELMER, bien que la plupart des photos le montrent avec d'autres marques (souvent avec un bec et une ligature SELMER).
Parmi les autres clarinettistes SELMER de La Nouvelle-Orléans, on peut citer Irving Fazola, Albert Nicholas (qui est passé du système Albert au système Boehm, lorsque son instrument système Albert s'est cassé pendant une tournée en Égypte et qu'il n'a pas pu le faire réparer), Willie Humphrey, Louis Cottrell Jr. et Raymond Burke. Ces noms ne sont peut-être pas connus de ceux qui sont moins férus de jazz traditionnel que moi, mais ils valent tous le détour. Par souci de concision, j'en ai omis beaucoup d'autres, et nous n'avons même pas quitté La Nouvelle-Orléans !
CLARINETTES ANCIENNES VS CLARINETTES ACTUELLES
Il est clair qu'au début du jazz, lorsque la clarinette était un élément indispensable de tout groupe qui se respectait, le nom SELMER était omniprésent. Alors que les clarinettes se détériorent et se déprécient généralement, contrairement aux violons, une clarinette SELMER « Improved » système Albert originale peut se vendre plusieurs milliers de dollars et certains traditionalistes estiment qu'il est impossible d'obtenir le son classique de la Nouvelle-Orléans avec autre chose qu'un instrument vintage instable. Je ne souscris pas à cette théorie. Je pense que chaque musicien fait inconsciemment sonner son instrument comme il le souhaite. Il faut donc trouver un instrument et un réglage qui permettent d'obtenir facilement le son souhaité, plutôt que de le contrarier.
Pour moi, les avantages d'un instrument moderne fiable l'emportent largement sur le « charme » d'un vieil instrument au bois gauchi et aux clés desserrées. Malgré mon amour profond pour le son du système Albert sur mes enregistrements préférés de jazz de La Nouvelle-Orléans, je joue sur une clarinette système Boehm (modèle “Signature” Henri SELMER Paris).
J'ai choisi de m'inspirer de mes héros de la clarinette plutôt que d'essayer de les imiter. Au cours des vingt dernières années, j'ai pris plaisir à faire évoluer ma configuration, mon embouchure et ma technique, afin de capturer certains de mes éléments préférés du son système Albert, sans sacrifier le mécanisme précis et familier de ma SELMER système Boehm. Je joue un bec très ouvert et des anches plus souples, et j'aime utiliser les demi-trous, les doigtés alternatifs, le portamento et d'autres techniques subtiles pour développer mon propre style, largement influencé par mes héros du système Albert de La Nouvelle-Orléans.
Pour beaucoup de grands noms de la Nouvelle-Orléans, les clarinettes SELMER Albert leur ont permis d'obtenir le son qu'ils convoitaient. Et aujourd'hui, comme de nombreux autres jazzmen (Mike McGinnis, Oran Etkin, Giacomo Smith...), je trouve que les clarinettes SELMER (neuves et vintage, systèmes Boehm et Albert) nous permettent de jouer au mieux de nos capacités pour les mêmes raisons que nos héros, il y a un siècle.
► Découvrir l'histoire de la clarinette
► Découvrir l'univers de Dennis Lichtman
► Notre gamme de clarinettes
► Clarinettes SELMER d'occasion