Bobby Jaspar
Saxophoniste ténor et flûtiste belge, Bobby Jaspar fut l'un des piliers du jazz moderne européen. De la Belgique aux états-Unis en passant par la France, il a développé un style très travaillé entre le bop et le cool.
"Bobby a été l'un des premiers musiciens de jazz qui, venant d'un milieu totalement européen, a créé un langage au caractère très spécifique". David Amram
Robert "Bobby" Jaspar naît en 1923 à Liège. Il étudie d'abord le piano, puis se passionne en fin d'adolescence pour la clarinette à travers le jazz. Il forme alors un groupe avec des amis, le Swingtet Pont d'Avroy, qui devient les Bob Shots à l'arrivée du guitariste Pierre Robert.
L'orchestre se disloque lorsque ce dernier est déporté en Allemagne ; Bobby multiplie alors les jam sessions à travers la Belgique aux côtés d'artistes comme Armand Gramme ou Vicky Thunus. En 1945, Pierre Robert est de retour, les Bob Shots sont à nouveau réunis, et d'autres musiciens s'ajoutent à la formation. Celle-ci devient rapidement le principal orchestre de Liège et l'un des meilleurs du pays.
Ils jouent d'abord principalement du swing, avant de se lancer dans le bebop. C'est à cette période que Bobby Jaspar délaisse la clarinette pour le saxophone ténor. Il développe peu à peu son propre style, davantage orienté "cool" que ses camarades boppers. Les membres du groupe se laissant absorber par leurs études puis leurs professions, les Bob Shots jouent de moins en moins jusqu'à se dissoudre à la fin des années 1940, après avoir joué aux côtés de Charlie Parker et Miles Davis au festival de Paris.
Entre temps, Bobby Jaspar est devenu ingénieur chimiste. Il ne le reste pas longtemps ; en 1950, il choisit définitivement la musique et décide de s'installer à Paris, la capitale du jazz. Le début de la décennie est difficile, les contrats sont rares et sa situation précaire. À partir de 1954, il retrouve peu à peu une place dans le jazz européen jusqu'à devenir une véritable vedette. Les orchestres se l'arrachent, il dirige ses propres formations (notamment un quintette avec le guitariste Sacha Distel), compose et enregistre ses propres albums : "Bobby Jaspar New Jazz", "Gone with the wind"… Influencé par Stan Getz, il développe un jeu souple et aérien, tout en conservant une sonorité ample et chaude.
En 1956, le musicien décide de tenter sa chance à New York. Au fil des rencontres, il s'introduit sur le devant de la scène aux côtés de musicien accomplis tels que Gil Evans et Miles Davis. Celui-ci le recommande à J. J. Johnson et Bobby se retrouve dans un des principaux groupes de hard bop de l'époque. Il apprend également la flûte, encore peu exploitée en jazz, et enregistre en parallèle deux albums à son nom. Il sera également l'un des premiers européens à rejoindre pour un temps le quintette de Miles Davis.
Il décède d'une attaque cardiaque en 1963, après avoir monté son dernier quintette en Europe avec le guitariste René Thomas.
Crédit photo : Jazz Hot N°120 Avril 1957