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The Sound and me #22 avec Arno Bornkamp

The Sound and me #22 avec Arno Bornkamp
Le style d'Arno Bornkamp est profondément ancré dans la tradition française du XXe siècle : ses premiers professeurs étaient, outre Ed Bogaard, les légendes du saxophone français Daniel Deffayet et Jean-Marie Londeix. Néanmoins, il a été principalement influencé par le climat musical hollandais des années 1980, une époque où les traditions étaient bouleversées, les dogmes rompus et la musique classique atteignait un public immense. Il nous parle aujourd'hui de sa recherche sonore...

Une peau de caméléon

« Ce que je crois, c'est que le son est quelque chose que nous utilisons pour nous déplacer à travers la musique. Mais il ne s'agit pas seulement du son, mais aussi de la dynamique, des nuances, du timbre, du vibrato, qui peuvent très bien "dicter" le son, surtout sur un saxophone, où il se manifeste assez naturellement. Et donc le son devient en fait une sorte de peau de caméléon. C'est en fait la personnification du musicien, et c'est en cela que vous pouvez commencer à reconnaître les gens, dans cette flexibilité, ce dévouement, et dans la façon dont vous abordez la musique.

J'ai appris cela quand j'étais au conservatoire, bien sûr, et pas seulement de mon propre professeur Ed Boogaard, mais aussi et surtout des professeurs qui venaient d'ailleurs, Daneels, Deffayet, Hemke, Iwan Roth et quelques autres. Et en fait, avec chacun d'entre eux, le son était toujours au service de leur façon d'appréhender la musique. Et j'ai trouvé cela très intéressant. J'ai aussi remarqué qu'avec certains, à cause de la façon dont ils expliquaient les choses, je jouais exactement comme tel professeur en l'espace une journée. J'étais donc, peut-être inconsciemment, très curieux de voir comment ce son pouvait changer, à quel point nous pouvions être des caméléons. Et à cause de toutes ces influences, j'ai peut-être à un certain moment, aussi à cause de mon passé de musicien de jazz, développé une sorte de marge, qui m'a fait penser : oui, je peux m'installer ici. Et je pense que le choix de l'instrument, le choix de l'embouchure et toutes ces choses ont énormément à voir avec la façon dont on se rapporte à la musique.»

La métaphore de la pieuvre

« Et j'aimerais décrire cela par une sorte de métaphore. Si vous regardez une pieuvre, par exemple, vous verrez comment elle se déplace dans l'eau, avec toutes sortes de tentacules, qui bougent, montent et descendent, mais elle est très stable dans l'eau. Elle bouge dans toutes les directions, mais en même temps elle est stable. Et c'est en fait ce à quoi je pense que chaque musicien peut aspirer. La flexibilité à partir de la stabilité.

Et je pense que c'est peut-être une sorte de grand dénominateur commun qui fait qu'au fil des ans, je cherche toujours le même élément dans la musique, à savoir ce que font deux notes l'une par rapport à l'autre, et ce que font peut-être les deux notes suivantes l'une par rapport à l'autre, comment sont-elles liées l'une à l'autre ? Et comment puis-je faire entendre cela ? Comment puis-je montrer la relation entre les notes ? Dans le son, dans l'intonation, dans la direction, dans le caractère. Comment puis-je le faire entendre ? Et c'est pourquoi j'ai besoin de cette flexibilité dans ce son.»

À la recherche de "cet" élément

« Il y a un an et demi, j'étais en Provence, je crois que c'était à Aix-en-Provence, et il y avait une très belle exposition du peintre Alfred Sisley. Alfred Sisley était anglais, mais il s'est installé à Paris très tôt dans sa carrière, à la grande époque de l'impressionnisme. Si vous regardez ses peintures, vous pouvez voir qu'il cherche toujours la même chose, mais dans une situation différente. Mais en fait, il peint toujours un paysage avec un ciel et très souvent de la neige aussi. Il semble que toute sa vie, il ait été fasciné, voire hypnotisé par la façon dont il pouvait faire quelque chose avec le paysage et le ciel.

Et quand j'ai parcouru l'exposition, j'ai pensé : oui, en fait, je suis comme ça. Toute ma vie, j'ai cherché la manière dont je pouvais relier des notes, voire une phrase ou un morceau entier, et je le fais dans toutes sortes de situations, un peu de la même manière que ce soit sur un Cigar Cutter ou un Adolphe Sax ou un baryton, je suis toujours à la recherche de "cet" élément et je modèle mon son d'après lui, et j'ai besoin d'une certaine stabilité et flexibilité. En fait, c'est une peau, et cette peau, on peut la faire décolorer, mais on ne peut jamais la remplacer complètement.»


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